Le magnétisme planétaire 


Jusqu'en 1950, le magnétisme terrestre semblait être un heureux accident de la nature.  Beaucoup de facteurs devaient converger pour le maintenir : le noyau fluide de la Terre, sa conductivité électrique et ses mouvements, le tout doit obéir à des critères bien stricts de la théorie de la dynamo. 

Nous savons maitenant que Vénus est la seule planète qui n'a pas de magnétisme. Les planètes diffèrent beaucoup entre elles en taille et en propriétés, ainsi que par leurs champs .  Les planètes ont toutes un champ magnétique ou en ont eu un dans le passé (tels Mars et la Lune). 

Jupiter

  Jupiter
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Dans le début des années 1955, deux jeunes radio-astronomes entreprirent de travailler avec le réseau d'antennes en croix du Carnegie Institution's Department of Terrestrial Magnetism (DTM).  Le réseau pouvait détecter des signaux provenant de directions très précises du ciel.  Ken Franklin et Bernie Burke le calibrèrent en utilisant une source connue : la nébuleuse du crabe, et ensuite commencèrent à observer le ciel environnant. 

Ils trouvèrent une autre source radio non expliquée, mais contrairement au Crabe, sa position était légèrement déplacée, était-ce Jupiter?  Se tenant près du réseau une nuit, Bernie remarqua une étoile au-dessus de lui et demanda à Ken : "Qu'est-ce-que cet objet brillant là-haut?" .  C'était Jupiter, le signal provenait de cette planète.  En publiant leurs résultats, les deux astronomes proposèrent que " la cause de cette radiation non-connue était sans doute dûe à des perturbations électriques dans l'atmosphère de Jupiter".

 En 1959, après la découverte de la ceinture de radiation terrestre, Frank Drake observa Jupiter et conclua, à partir des intensités relatives dans une série de longueurs d'ondes, que le signal était probablement émis par des électrons capturés dans un puissant champ magnétique.  En 1973,  la sonde spatiale Pioneer 10 passa près de Jupiter et trouva un énorme champ magnétique planétaire ainsi qu'une intense ceinture de radiation.

 Si on représentait par des barreaux aimantés au centre de la planète les champs de la terre et de Jupiter, l'aimant de Jupiter serait 20.000 fois plus puissant.  L'axe magnétique de Jupiter, comme celui de la Terre, est légèrement hors de l'axe de rotation, mais alors que Jupiter et la Terre tournent dans le même sens, la polarité magnétique de Jupiter est opposée à celle de la Terre. 

 Ce qui produit ce champ est encore non-éclairci.. Personne ne sait de quoi est fait le noyau de Jupiter mais selon une théorie généralement admise, c'est de l'hydrogène comprimé par l'énorme masse des couches externes de la planète jusqu'à un point tel que cet hydrogène devienne métallique et conduise l'électricité.
L'étrange signal radio observé par Franklin et Burke provenait de la ceinture de radiation de Jupiter, le plus intense de tout le système solaire (tellement intense que seulement après un passage au travers de cette ceinture, la sonde Pioneer 10 subit quelques ravages dûs à la radiation).  En même temps que sa ceinture de radiation, Jupiter possède aussi des aurores, observées par le téléscope Hubble. 
  les aurores de Jupiter 
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Le champ magnétique de Jupiter produit des interactions avec ses plus grandes lunes.  Io, sa plus proche grande lune, est chauffée par ses propres  marées (induites par Jupiter), un monde étrange fait de volcans actifs sulfureux et d'une atmosphère ténue.  Son ionosphère et/ou la conductivité électrique de son corps, et le mouvement relatif entre Io et la magnétosphère de Jupiter crée un circuit dynamo qui produit de grands courants circulant entre eux. 

 La sonde spatiale Voyager 1 passa tout près de ces courants le 5 mars 1979, et observa leurs champs magnétiques.  Ces champs affectent aussi les émissions radio de Jupiter et engendrent des fluctuations dans le signal envoyé par la Terre.  Ces fluctuations dépendent de la position de Ganymède (lune de Jupiter) qui possède son propre champ magnétique.  A ces distances, la magnétosphère de Jupiter tourne avec la planète, et à son passage près de Ganymede, cette lune, semble-t'il, entaille sa propre petite magnétosphère. 

D'autres planètes

Les quatre grandes planètes-Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune--furent visitées par Voyager 2. Les 2 premières furent aussi visitées par Pioneer 10 et 11 et par Voyager 1,  tandis que la sonde Ulysse passait près de Jupiter et que la sonde Galileo est en ce moment autour de cette planète. Ces quatre planètes ont un champ magnétique plus fort que la Terre, dans le sens mentionné plus haut pour Jupiter.  En ce qui concerne Saturne, son axe magnétique est exactement aligné sur son axe de rotation, à la précision des observations près.

Les axes magnétiques d' Uranus et Neptune sont,eux, inclinés de 60° par rapport à leurs axes de rotation.
La forme et les propriétés de la magnétosphère planétaire dépendent de l'angle entre l'écoulement du vent solaire (c.à.d. la direction du soleil) et l'axe magnétique; pour ces deux planètes, cet angle change vite et sans arrêt.  Le résultat est que : leur magnétosphère subit de fortes variations durant chaque rotation, cependant que ces 2 magnétosphères parviennent malgré tout à capturer des particules.  L'origine de ces champs est inconnue : Saturne est suffisamment grande que pour produire de l'hydrogène métallique en son noyau mais Uranus et Neptune ne sont pas dans ce cas.

La planète Vénus fut visitée par Mariner 10 en 1974, ensuite la sonde poursuivit sa route jusqu'à Mercure.  On découvrit que Vénus est non-magnétique, le vent solaire n'est arrêté que par sa haute atmosphère : l'ionosphère. Ce vent solaire crée un type complètement différent de magnétosphère, qui ressemble plutôt à une queue de comète. D'autre part, la petite Mercure (un peu plus grosse que notre lune), un rocher sans atmosphère gazeuse, en rotation lente, surprit les observateurs car elle est magnétisée, son champ magnétique est faible et n'est pas suffisant pour capturer de nombreuses particules, mais au passage de la sonde côté obscurité, on observa un spasme soudain pendant lequel des particules étaient, semble-t'il, énergisées.  Pour en savoir plus, la NASA a prévu de lançer une sonde "Messenger" vers Mercure afin qu'elle puisse, en orbite autour d'elle, communiquer de nouvelles informations.

Mars et la lune ont des parcelles différentiées de roches magnétisées à leurs surfaces, cela suggère que, malgré leur manque de dynamo actuelle, dans le passé Mars et la lune en avaient une.  Cela corroborerait l'observation de volcans géants (maintenant éteints) vus sur Mars qui voudraient signifier : un intérieur chaud.

  Magnétisation de Mars: rouge dans une direction,
      bleu  dans l'autre direction
  Pour plus de détails, voir 
      Astronomy Picture of the Day, 4 May 1999
    Les parcelles magnétisées sur cette planète, observées pour la première fois par Mars Global Surveyor, ont intrigué parce qu'elles forment des bandes, qui rappelent les bandes magnétisées au fond de nos océans, d'où naquit l'idée de la tectonique des plaques.  Les observations magnétiques sur Mars ne sont pas assez détaillées pour nous permettre, à ce jour, de conclusions fermes.
Les champs magnétiques planétaires semblent être la règle générale pour les planètes solaires, au moins.  Environ 1000 ans se sont écoulés depuis que la découverte de la boussole magnétique a permis de mettre en évidence de tels champs.  Alors que nous entrons dans le deuxième millénaire de l' étude des champs magnétiques, cette dernière soulève plus de questions non-résolues que jamais auparavant.
 
 

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Auteur : David P. Stern, earthmag("at" symbol)phy6.org

La traduction française a été réalisée à l'initiative de Joseph Lemaire (joseph.lemaire("at"symbol)oma.be), de l'Institut d'Aéronomie Spatiale Belge (IASB), et grâce aux collaborations de Pascale Cambier (pascale.cambier("at"symbol)oma.be) du BUSOC (pour la traduction et la dactylographie) et de Hervé Lamy (herve.lamy("at"symbol)oma.be) de l'IASB (pour la relecture et les corrections).

Dernière modification : 20 décembre 2002